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L’ENNEMI DES FEMMES

je n’attends plus que de vous un conseil et une consolation.

L’entrée dans la ville fut une marche triomphale. Les paysans marchaient en avant avec les drapeaux. La musique jouait la marche nationale. Les branches de pin enflammées secouaient des clartés mouvantes sur le cortège. Nadège, enveloppée d’une grande pelisse, pareille à une czarine qui rentre dans sa capitale, avait Petrowna serrée contre elle dans son traîneau. Des hommes de la ville et de la campagne, à cheval, les escortaient de côté, devant, derrière. Tout le monde dans les rues était aux fenêtres ; la plupart des fenêtres étaient illuminées, et, devant sa maison, Nadège trouva un arc de triomphe en branches de sapin.

Elle eut bien de la peine à garder son sourire, que tourmentait son émotion. Quand elle sortit du traîneau, ses jambes fléchissaient sous elle. Il lui fallut, par un geste charmant, s’appuyer sur l’épaule de Petrowna.

Sur le seuil, elle envoya, de sa main portée à ses lèvres, comme un baiser collectif à tous ses admirateurs.

— Merci, merci, — mes amis, leur dit-elle. — Je n’ai pas mérité tant d’honneur.

Puis, prenant la main du vieux Gaskine qui, la tête nue, restait incliné devant elle :

— Mes amis, — reprit-elle, — voilà celui qu’il faut honorer. Il a gardé fidèlement le poste que j’ai été obligée de quitter pendant trois mois. Il l’a rem-