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L’ENNEMI DES FEMMES

assignait leurs places, réglait tous les détails du programme.

À midi, un télégramme, adressé au bureau de la rédaction de la Vérité, annonçait que madame Ossokhine, par ordre de la police, ne pourrait arriver que par un train du soir.

— Ah ! ah ! — dit Gaskine qui se dérida, car il était surtout content quand il avait un prétexte de mauvaise humeur ironique. — Ah ! ah ! ils veulent nous priver d’une fête au grand jour ! Ils auront une fête aux flambeaux !

— Mais où prendre tant de flambeaux ? demanda Jaroslaw.

— On allumera des branches de pins, et, s’il le faut, on ira couper tout mon petit bois de Troïza.

Les paysans, avertis du retard, attendirent patiemment. Le Petit-Russien ne s’exalte pas aussi facilement que le Polonais, mais son enthousiasme, plus lent à naître, se tient plus longtemps au diapason. Rien ne peut lasser son héroïque placidité.

Enfin l’heure de l’arrivée sonna.

Quand le train entra en gare, Gaskine, Jaroslaw et mademoiselle Scharow, avec toute la rédaction, étaient sur le perron extérieur. La foule en demi-cercle attendait à une certaine distance.

Le wagon s’ouvrit. Nadège en descendit ; elle sourit de confusion et s’arrêta, modestement effrayée, à l’aspect de cette affluence.

— Qui attend-on ? demanda-t-elle avec coquetterie.