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L’ENNEMI DES FEMMES

elle était revenue lentement, languissamment, escortée par le traîneau du major qui, dans cette bataille sur la neige, n’avait pas trouvé d’autre emploi de sa galanterie chevaleresque.

Petrowna attendait sa sœur. Léopoldine, froissée, ne voulait pas lui parler ; mais Petrowna la suivit de force dans sa chambre.

— Voilà, ma chère, — lui dit-elle avec éclat, — une journée décisive pour nos deux destinées. Remercie-moi. Je sais au juste ce que vaut ton ancien soupirant Melbachowski. Félicite-moi, j’ai mesuré l’héroïsme de M. Constantin.

— Que veux-tu dire ? repartit Léopoldine, qui ne comprenait pas.

— En demandant à Melbachowski de me conduire, je voulais lui faire des reproches ; je lui en ai fait qu’il n’a pas compris. Je voulais aussi pénétrer le fond de cette grande philosophie de Diogène, dont mon compagnon de route est le premier adepte, et essayer la patience de Constantin. Tout m’a réussi. Guéris-toi bien vite, ma chère ; Melbachowski est un esprit gâté qui te trouve jolie, et même belle, qui te sait riche, qui t’épouserait à la rigueur, un jour qu’il n’aurait pas trop peur de Diogène ; qui serait fier de toi pendant un an, mais embarrassé de son ménage pendant toute sa vie. Ne l’épouse pas ; ne l’aime pas. Il n’avait aucune raison de te faire de la peine, et quand je lui ai demandé une place dans son traîneau, il a paru charmé de te taquiner. S’est-il excusé ? Non ; c’est un être sans cœur ;