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L’ENNEMI DES FEMMES

couples de chevaux anglais de haute stature ; des paires de petits trotteurs de l’Ukraine, impétueux et s’agitant dans leurs longues crinières ; de magnifiques arabes, de maigres haridelles de la Galicie faisaient sonner des clochettes d’argent de tous les timbres, suspendues à des harnais de velours.

Les femmes étaient enveloppées de pelisses précieuses de toutes les couleurs, coiffées de casquettes à la cosaque ou de kasfederaski ; les hommes étaient habillés soit à la mode polonaise, soit à la mode française ; mais tous, uniformément, drapaient sur leurs épaules le grand manteau gris.

De lourdes couvertures débordaient des traîneaux, des peaux d’ours, de loup, de renard. Les cochers vêtus à la mode cracovienne, avec la plume de paon sur la casquette, faisaient prendre patience à leurs attelages, en sifflant et en faisant claquer leurs fouets.

Un char magnifique, traîné par douze chevaux et portant toute la musique de la ville, prit la tête du cortège.

Au premier rang, le major, dans un traîneau emblématiquement décoré d’un serpent, tenant une pomme qu’il offrait à toutes les Èves de l’horizon, faisait admirer son beau costume de peau et semblait la statue de don Juan, par un jour de neige.

Léopoldine était seule, rechignée dans le traîneau modeste des Pirowski. Petrowna n’avait pas paru au départ. Constantin, par le plus malencontreux des hasards ou par la plus maladroite des fai-