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L’ENNEMI DES FEMMES

— Elle a déshonoré les cheveux blonds et les cheveux blancs ! s’écria-t-il.

Il exigea un article implacable, et déclara qu’il était immoral de montrer des jeunes gens assez aveugles pour se pâmer devant des fiancées de cinquante ans passés.

L’article fut lu dans tous les cafés, où il suscita des éclats de rire inextinguibles. La malheureuse actrice, bafouée, fût obligée par son directeur à une visite au terrible journaliste.

Gaskine la vit apparaître, trois jours après l’article, en robe de soie voyante, en pelisse dont la fourrure s’ébouriffait comme un chat en colère, avec des joues enluminées à faire peur, avec des yeux entourés de tant de charbon qu’ils finissaient par avoir une petite étincelle, et avec un voile qui jetait un semblant d’illusion sur ce visage travaillé. Le fermier salua de la main qui tenait la pipe, et demanda à la belle ce qu’elle voulait.

L’ingénue quinquagénaire se souvint de ses rôles de grande coquette. Elle commença par déclarer qu’elle apportait ses remerciements pour les excellents conseils qu’on lui avait donnés.

— Vrai ! cela ne vous a pas fâchée ? — répondit le fermier. — Vous avez le caractère bien fait.

— Seulement, — ajouta la Célimène, — la critique s’est trompée sur un détail… sur mon âge.

— Prouvez-moi cela, et je rabats les mots qu’il faut rabattre, repartit gaiement Gaskine.

— Mais, quand je vous assure…