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L’ENNEMI DES FEMMES

fonctionnaire qui sortait, une main dans sa ceinture tandis que de l’autre il répétait à plusieurs reprises le geste horizontal d’un homme qui trace une ligne, qui conclut un marché, il dicta la phrase suivante :

« M. le directeur du Cercle nous a fait le très grand honneur de nous envoyer M. son secrétaire, qui nous a très poliment engagés à publier les noms qui suivent, comme ceux des candidats à la députation du district. Nous avons promis de faire ce que désire M. le gouverneur. Voilà donc les noms. Voter pour eux, c’est faire plaisir à l’autorité. »

Jaroslaw sourit en arrangeant, sans en détruire la naïveté équivoque, cet entrefilet ; il ne doutait pas de l’habileté de son père.

Huit jours après cette annonce, qui fit beaucoup jaser dans le pays, les élections eurent lieu.

Pendant le scrutin, Gaskine dit, en bourrant sa pipe :

— C’est aujourd’hui que les Petits-Russiens l’emportent ! Vous verrez cela ! pas un Polonais ne sera élu.

— Vous les avez cependant recommandés, les candidats polonais, répliqua mademoiselle Scharow.

— Moi ! Je les ai dénoncés.

Le soir et le lendemain, les télégrammes apportèrent la nouvelle que partout les candidats du gouvernement avaient échoué.

— Eh bien, s’écria Gaskine, en frappant sur l’épaule pointue de mademoiselle Scharow, suis-je un âne ?