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L’ENNEMI DES FEMMES

nes. Il avait assisté à diverses réunions sans bien se garder d’avouer l’appui que le journal la Vérité pouvait apporter à certaines candidatures. Quand son fils le pressait d’entamer la campagne électorale :

— Patience ! — répondait le fermier, qui cherchait un piège infaillible à tendre aux candidats officiels.

Le gouverneur du Cercle, avec la présomption des pouvoirs sans contrôle et infatués de leur toute-puissance, offrit lui-même l’engin que le vieux paysan avait de la peine à trouver.

Un matin, le plus beau, le plus cravaté, le mieux botté des polonais employés à l’administration du Cercle, vint, avec des favoris étalés majestueusement et une moustache finement relevée, demander à parler à la personne chargée de remplacer au journal madame Ossokhine.

Sans aucun doute, ce fonctionnaire en mission s’imaginait avoir à saluer et à séduire quelque femme de lettres, jeune et jolie, ou seulement passable. De toute façon, soit que sa galanterie fût sincère, soit qu’elle fût simplement de commande, elle devait être irrésistible, et le parfum de ses cheveux, la glace de ses gants frais, étaient les amorces d’une politique raffinée.

Le secrétaire de la direction du Cercle, car c’était lui en personne, recula de deux pas, et fut stupéfait, quand il vit entrer, dans le petit salon où il attendait, un vieillard aux allures et au costume rustiques, qui s’assit tout d’abord, comme Attila