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L’ENNEMI DES FEMMES

Elle n’eut que le temps d’écrire la ligne demandée et de signer. Le guichetier, ponctuel, entrait et annonçait que le quart d’heure était expiré.

Gaskine baisa respectueusement Nadège sur l’épaule, sortit en roulant son sac bleu autour de son bras, se rendit en droite ligne au chemin de fer, prit le premier train, et arriva le soir au chef-lieu.

Il fut bientôt dans le bureau de rédaction du journal. Jaroslaw l’y attendait, sur un ordre que son père lui avait donné avant de partir pour Lemberg.

— Loué soit Jésus-Christ ! dit le paysan en entrant et en ôtant avec une sorte d’humilité narquoise son bonnet cosaque.

— En toute éternité ! amen ! répondirent les assistants ; c’est-à-dire mademoiselle Scharow debout devant un pupitre élevé, et trois collaborateurs sans âge, dont l’un avait la barbe grise et dont les deux autres n’avaient pas de barbe.

— Eh bien, mon père, quelles nouvelles de madame Ossokhine ? demanda Jaroslaw.

À cette question, tout le monde dressa la tête et regarda le fermier, dans une sorte d’extase jalouse. Il avait vu Nadège !

Gaskine, avant de répondre, posa son sac sur une chaise, tira sa petite pipe de sa poche, la bourra d’un abominable tabac noir, s’assit et dit enfin :

— Elle va bien ; mais elle trouve que son journal va mal.

Mademoiselle Scharow savait que le vieux Gas-