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L’ENNEMI DES FEMMES

— Vous savez donc où je vais ?

— Je sais tout.

Petrowna leva sa jolie tête mutine, qu’un air de bravoure rendit étincelante, et aiguisant les mots entre ses lèvres amincies :

— Vous qui savez tout, savez-vous ce que je pense de vous, monsieur ?

— Oui, mademoiselle, que je suis un monstre.

— Un monstre ? non, pas tant que cela.

— Eh bien, un scélérat.

Cette fois, Petrowna garda malicieusement le silence, comme si elle n’avait rien à ajouter à cet aveu.

Diogène reprit.

— C’est à madame Ossokhine que vous devez cette bonne opinion sur moi ?

— Non, monsieur, car madame Ossokhine vous juge trop sévèrement pour vous craindre.

— Eh bien, quand vous la verrez, reprit Diogène, dites-lui que jamais, autant qu’aujourd’hui, je ne me suis félicité d’avoir le cœur en cendres et d’être incapable d’une illusion. Car, sur ma parole d’honneur, avec son air crâne, sa démarche stoïque, elle était capable de se faire admirer.

— Vous l’avez vue partir ? demanda vivement Petrowna. Comment saviez-vous qu’elle partait ?

— Il y a plusieurs jours que je me ménageais le plaisir de la voir monter en wagon.

— Elle vous laisse le champ libre, n’est-ce pas ?

— Au contraire, son absence même m’embarrasse.