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L’ENNEMI DES FEMMES

persécution commencée ? Sa haine absurde, insensée, était-elle descendue jusque-là ? Venait-il jouir platement d’un succès de méchanceté et de perfidie ? Ou bien, en adversaire loyal et implacable, venait-il saluer sur le terrain celle qu’il détestait, mais qu’il consentait à admirer, pour se maintenir dans le droit et le devoir de la combattre sans faiblir ?

Pendant que Nadège se dirigeait vers Lemberg, Diogène errait à travers la ville dans une humeur farouche, hargneuse. Ses yeux brillaient toujours ; mais, cette fois, d’une malice aiguë. Malheur à celui qu’il allait rencontrer !

Sur la place, ce fut Petrowna qui, descendant de l’église, se trouva la première devant lui.

D’ordinaire, Diogène se contentait de saluer, et, autre part que chez ses parents, Petrowna ne lui adressait jamais la parole. La jeune fille elle-même se souciait peu, habituellement, d’attirer l’attention de l’homme qu’elle haïssait et qu’elle redoutait. Elle le regarda fièrement ; comme il la saluait, elle fit un léger mouvement de la tête, puis se détournant brusquement, elle parut se diriger du côté de la maison de madame Ossokhine.

— Vous ne la verrez pas ! lui dit Diogène en la rejoignant et d’une voix railleuse.

Petrowna continua sa route sans répondre.

— Vous ne la verrez pas ! car elle est partie !

Petrowna tressaillit, s’arrêta, et, se retournant résolument vers Diogène :