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L’ENNEMI DES FEMMES

Nadège, dans son interrogatoire, accorda ce que l’on souhaitait par-dessus tout. Sans mentir explicitement, elle ne protesta pas quand on l’accusa d’être l’auteur de la lettre. Elle déclara que, si on la laissait libre, elle se tiendrait pour le jour du procès à la disposition de la justice ; et, après une occasion de fermeté, elle fournit au pouvoir un prétexte de galanterie.

On la renvoya, en l’assignant à trois jours de là.

La justice galicienne est particulièrement lente ; mais, dans cette circonstance, elle mit des ailes à ses pieds boiteux, et trois jours après cette assignation, Nadège Ossokhine était jugée et reconnue coupable par un jury polonais, à l’unanimité moins une voix. On sut depuis que cette voix opposante était celle d’un tailleur juif de la Cracowska.

Le tribunal, après la lecture du verdict, condamna madame Ossokhine à un an de prison.

Cette condamnation excessive, en dépit des conseils de prudence de Nadège, causa une rumeur de tempête dans la contrée. Peu s’en fallut qu’on n’allât briser les vitres du tribunal.

Une ovation triomphale, donnée au juré qui avait voté l’acquittement et qui s’était vanté de son vote, avertit l’autorité que, pour cette fois, elle avait peut-être dépassé la mesure.

Nadège en appela du jugement, et, trois jours après son appel, l’arrêt, confirmé en principe, fut prudemment adouci, quant à la peine, qu’on réduisit à trois mois de détention.