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L’ENNEMI DES FEMMES

fit manœuvrer les troupes comme en pays conquis.

Des voix courageuses, indignées, s’élevaient de toutes parts et osèrent dénoncer ce système de provocation ; mais, en même temps, elles invitèrent, avec tant d’énergie, le peuple à la patience et à la modération, que le gouvernement local fut obligé de reculer devant l’effusion du sang. On lui refusa tout prétexte de le verser.

Nadège fut un des plus éloquents défenseurs des droits du pays, des vérités universelles, en même temps qu’un des plus fermes soutiens de la paix publique.

Naturellement, la presse en Galicie, comme partout, dut payer pour la sagesse du peuple, honteusement provoqué. Le journal de madame Ossokhine était désigné au premier rang de ceux qu’il importait de châtier, d’intimider ou de séduire. N’était-ce pas déjà une audace révolutionnaire insupportable que l’action d’une femme jeune, belle, éloquente, tenant la plume avec autant de grâce qu’elle tenait l’éventail, avec autant de courage qu’un homme eût tenu l’épée ? L’autorité morale qu’elle s’était acquise, en quelques mois, faisait dépendre d’elle la tranquillité des rues. Quel gouvernement pourrait supporter une pareille usurpation ?

Si on avait pu la déshonorer, ou seulement la diffamer, on se fût bien gardé d’employer contre Nadège la moindre violence. Mais sa vertu était une déception et aussi un grief. La police, dans tous ses rapports, affirmait que cette femme sub-