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L’ENNEMI DES FEMMES

Elle baissa les yeux, quand il lui renouvela l’assurance de son amour.

— Pourquoi, lui dit-il sans reproche, mais avec un sourire, pourquoi m’avez-vous fait souffrir, Petrowna ?

— Vous ai-je fait souffrir, balbutia-t-elle, charmée non d’avoir été cruelle, mais d’avoir à racheter une cruauté involontaire.

— Oui, beaucoup, je vous le jure.

— C’est que, dès le premier moment, j’ai compris que vous m’aimiez.

— Vous ne vouliez donc pas m’aimer, Petrowna ?

Elle hésita à répondre ; puis relevant la tête qu’elle avait baissée pendant une seconde, et prenant pour ainsi dire son élan :

— C’est qu’aussi, répondit-elle, je sentais bien que je ne pourrais faire autrement que de vous aimer, et j’avais peur de moi, plus que de vous.

Ils se regardèrent avec des yeux brillants qui pénétraient réciproquement leurs âmes ; leurs lèvres s’unirent, et ils ne trouvèrent plus un mot de commentaire à ajouter.

Quand cette explication, qui avait duré quelques minutes et qui semblait résumer de longues heures, fut terminée, Petrowna pria Constantin de s’informer de ce qui pouvait tourmenter madame Ossokhine. Il promit de ne rien négliger à ce sujet, bien qu’il fût secrètement disposé à un peu d’ingratitude envers cette grande amie de Petrowna.

C’est là l’injustice éternelle des cœurs amou-