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L’ENNEMI DES FEMMES

et, par un mouvement brusque, saisissant le pied de Petrowna par les chevilles, il lui retirait son petit soulier de satin blanc.

À quoi tient souvent le culte des vieilles traditions historiques ! Si Petrowna avait été chaussée d’une bottine, cette déclaration, selon le rituel polonais, n’eût pas été possible.

— Que faites-vous ? s’écria la jeune fille effarée, en voyant Constantin se relever radieux, avec le soulier de satin, dont les petits rubans flottaient comme les ornements d’une marotte.

Le mouvement de Constantin avait été remarqué et compris. Un hurrah retentit dans le salon. Les dames s’interrompirent, Constantin courait vers le fumoir, et Petrowna restait entourée de jeunes filles, qui riaient et la soutenaient, car son pied déchaussé hésitait à se poser sur le parquet.

Diogène était assis à la même table et buvait toujours.

— Eh bien, lui dit Constantin, rayonnant, vous m’aviez défié de voir le pied de Petrowna ? Je l’ai vu, je l’ai tenu ! Venez boire à nos fiançailles, voilà mon verre.

Saisissant une bouteille de vin de Champagne, il en vida une partie dans le soulier qu’il tenait à la main, et rentrant comme un fou dans la salle de bal :

Vivat Petrowna, regina mea ! s’écria-t-il dès le seuil.

Puis il vida d’un trait ce qui pouvait rester dans