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L’ENNEMI DES FEMMES

— Je suis sûr que vous avez été jaloux ?

— Jamais !

M. Pirowski avait repoussé les attaques de Diogène à sa jalousie et à son amour-propre avec une fermeté qui ne lui était pas habituelle. Décidément, il était invulnérable, ou bien, si le trait l’atteignait plus qu’il ne le laissait voir, il n’accordait pas, en tous cas, d’avantage immédiat à la malignité de Diogène.

— Il serait singulier que ce bonhomme, parmi tous ces fous, fût précisément le plus difficile à rendre ridicule ! se dit tout bas le sceptique.

Il n’avait pas osé jusque-là s’attaquer à Constantin. Pourtant, il lui semblait indispensable de tenter quelque chose contre cet amoureux infatué.

Fallait-il essayer de lui faire croire que Petrowna n’était pas la plus jolie personne du bal, quand l’évidence et le consentement unanime prouvaient le contraire ? Pouvait-on le rendre jaloux, quand Petrowna, simple comme elle ne l’avait jamais été, bien pénétrée des conseils de Nadège, faisant un grand effort sur elle-même, pour n’avoir ni coquetterie, ni caprice, souriait à tout le monde sans remarquer particulièrement personne, et désarmait d’avance toute épigramme par sa douceur ?

Diogène se sentait mordu d’un désir secret, violent, insensé, de troubler cette placidité de deux âmes épanouies dans leur confiance réciproque.