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L’ENNEMI DES FEMMES

— Feriez-vous la sottise de vous fâcher ? répéta Diogène à celui-là comme à l’autre. À votre place, je punirais Petrowna en la rendant jalouse. Pourquoi n’invitez-vous pas sa sœur ?

— Vous avez raison ! c’est une bonne ruse de guerre !

Le major rit d’un rire épais et sonore, fit sonner ses éperons par un coup de talon sur le parquet, tendit le jarret, et se dirigea vers Léopoldine.

Fort heureusement pour le scandale, malheureusement pour la railleuse combinaison de Diogène, il rencontra madame Pirowska dans le trajet. Elle lui sourit avec un sourire qui la rajeunit de vingt ans… Il vit dans les yeux câlins de la dame une flamme s’allumer, qui lui rappela ses succès d’autrefois, et, s’inclinant avec grâce, il sollicita la faveur de devenir son cavalier.

— Très volontiers, répondit madame Pirowska en lançant un éclair qui remua des cendres dans le cœur du major.

Diogène, qui suivait la manœuvre, se mit à rire.

— Soit, dit-il ; ce sera pour une autre fois.

Modifiant aussitôt la stratégie, il alla se placer à côté du bonhomme Pirowski.

Le vieux gentilhomme jouait dans son bal le rôle du vieux Capulet, le père de Juliette, excitant la jeunesse à danser, ajoutant le petit rire de sa voix, aigrelette comme un air de fifre, au grand orchestre qui emplissait de bruit son salon.