Page:Sacher-Masoch - L’Ennemi des femmes, 1879.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
L’ENNEMI DES FEMMES

Diogène marchait donc en tête de la farandole polonaise. Madame Pirowska lui avait donné deux doigts de la main droite, tandis que de la main gauche elle relevait délicatement, comme une châtelaine du temps passé, ses jupes traînantes. Elle était seule habillée d’une jupe longue. Toutes les jeunes femmes et quelques jeunes filles avaient des robes très courtes, qui laissaient voir leurs pieds chaussés de petites bottes de couleur, avec des éperons d’argent. Elles étaient vêtues de jaquettes fermées devant, richement bordées de fourrures et de velours, dont les manches entaillées flottaient sur le dos. Des nattes, entremêlées de rubans, sortaient de petites casquettes carrées surmontées d’aigrettes en plumes de héron.

Ce n’est pas une petite affaire, que de conduire la polonaise ; de commander ces centaines de manœuvres, d’entrelacements, et de dénouer à l’improviste ces nœuds enchevêtrés, de conduire travers les allées du jardin, dans la maison, par les corridors, par les chambres, par les escaliers, ce gigantesque serpent à musique retentissante.

Lorsque le sceptique qui présidait gravement à cette folle manœuvre eut ramené toute la bande bariolée, étincelante, dans les salons, il fut acclamé, félicité ; il salua, abdiqua ; on n’avait plus maintenant qu’à danser d’une façon cosmopolite.

— Est-ce que nous ne verrons pas votre amie, madame Nadège ? demanda-t-il à madame Pirowska en la saluant.