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L’ENNEMI DES FEMMES

malgré des ornières formidables, des châteaux voisins, commença dans la cour d’honneur.

M. Pirowski avait rajeuni pour la circonstance le vieux costume de bisaïeul, qui lui donnait l’air d’un portrait héroïque descendu de son cadre. Madame Pirowska avait eu l’esprit de respecter sa toilette française et de n’y rien ajouter, ce qui la mettait à la mode de toutes les époques et de toutes les civilisations.

Léopoldine et Petrowna étaient belles surtout de leur beauté, ce qui était pour la première un raffinement de coquetterie et pour la seconde un effet naïf de son instinct, ou le résultat du conseil de madame Ossokhine.

Il ne fallut pas moins d’une heure pour que les invités, que leurs hôtes recevaient sur le perron, eussent fini d’emplir le vaste salon. C’était un spectacle éblouissant que cette variété de costumes, que ces étoffes polonaises aux vives couleurs pour les femmes, que ces diamants pour les deux sexes, que ces sabres orientaux, que ces ceintures d’or, que ces touffes de plumes de héron sur les hauts bonnets polonais pour les hommes, que ces éperons d’argent qui faisaient scintiller des étoiles sur le parquet, que ces satins, ces velours, ces fourrures en pelisses !

La vieille Pologne était ressuscitée : la Pologne galante féodale et brutale. Diogène l’avait voulu en encourageant M. Pirowski. Était-ce pour jeter encore un défi à madame Ossokhine ?