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L’ENNEMI DES FEMMES

causerie qui intéressait autant la femme écrivain qu’elle charmait le vieux Gaskine.

Tout en arrangeant l’avenir de travail de son collaborateur, Nadège faisait une enquête sur toutes choses ; et quand elle demanda son cheval pour repartir, elle en savait plus sur l’histoire des paysans galiciens, sur leur misère, leur ignorance, leurs préjugés, que si elle avait lu dix volumes spéciaux… qui n’existent pas.

— Vous ne partirez pas seule ! lui dit Gaskine.

— Pourquoi donc ? La route est sûre, le trajet est court, et qui oserait m’attaquer ?

— Vous ne partirez pas seule, répéta le vieux fermier ; ce serait une honte pour le pays.

— Oh ! le pays !…

— Croyez-vous qu’on ne sache pas que vous êtes ici ?

— Ah ! vous m’avez trahie !

— Oui, comme on trahit les saintes le jour de leur fête, panna Nadège, en leur faisant la surprise d’un amour qu’elles n’attendaient pas.

En disant cela, Gaskine allait ouvrir les deux battants de la porte. On vit alors, sur une sorte de place, le chantre, les trois autres abonnés de la Vérité et une foule bigarrée d’hommes, de femmes, d’enfants, dans tous les accoutrements et dans tous les degrés de nudité, qui attendaient, rangés sur une ligne épaisse, tandis que le domestique de Gaskine tenait le cheval de Nadège tout brillant du lustre qu’il avait reçu par des caresses multipliées.