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L’ENNEMI DES FEMMES

elle se doutait que vous voulez lui faire accueil. Laissez-moi la recevoir seul. Vous la verrez quand elle partira ; d’ailleurs, voilà mon fils qui vient me prévenir.

Le vieux Gaskine avait de l’autorité. Le chantre et les trois lecteurs de la Vérité se retirèrent, jaloux de ce que le grand honneur de recevoir Nadège échût au seul des abonnés qui ne savait pas lire son journal.

Jaroslaw en effet, qui accompagnait madame Ossokhine, avait tout à coup pris les devants et arrivait, bride abattue.

Il sauta de cheval, embrassa son père, sans lui rien dire, et le voyant si correctement habillé de ses habits de fête, avec des bottes luisantes qui envoyaient des rayons devant elles, il comprit qu’il était inutile de donner aucun ordre. Tout était prévu et réglé pour la réception de la grande femme.

Pendant qu’il remettait son cheval à un valet de la ferme, Nadège, à qui Jaroslaw avait désobéi, et qui craignait d’être trop bien reçue, arrivait à son tour.

Le vieux Gaskine tomba à genoux, en courbant l’échine, pour offrir son dos comme marchepied. Mais Nadège fit faire deux pas de plus à son cheval et sauta à terre. Elle releva le vieux fermier, et l’embrassa cordialement sur les deux joues.

— Bonjour, père Gaskine. Voilà l’enfant prodigue, admirablement guéri, je vous l’assure.

— Ah ! madame, quel bonheur pour moi que je l’aie tant gâté !