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L’ENNEMI DES FEMMES

— Vous la haïssez trop ! c’est invraisemblable !

— Je ne la haïrai jamais assez.

— Pourquoi ?

Diogène se mordit la lèvre, tordit sa moustache, regarda Jaroslaw pendant une minute d’un air indécis, se demandant s’il n’allait pas le souffleter, le chasser, ou le prendre pour confident.

Puis, haussant les épaules :

— Que m’importe, après tout, s’écria-t-il durement, votre opinion sur elle, sur moi ? et que vous importe mon secret ? Elle vous a mis un ruban au cou. C’est bien : soyez son épagneul, faites le beau devant elle. Rampez, vivez, mourez à ses pieds ! vous m’aidez, plus que vous ne le croyez, en la rendant ridicule ! Dans deux jours tout le cercle saura que le poète Jaroslaw, vilipendé par elle, s’est couché sous le fouet pour devenir son esclave.

— On ne dira pas cela, reprit Jaroslaw. Je quitte la ville.

— Ah ! c’est à merveille ; elle vous envoie en mission !

— Elle me rend au devoir, que j’avais déserté.

Et il ajouta avec un véritable accent de dignité :

— Vous ne savez peut-être pas, monsieur, que je suis le fils d’un paysan !

Diogène le toisa des pieds à la tête et répondit avec hauteur :

— Je m’en doutais !

— Eh bien, reprit Jaroslaw, je redeviens un