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L’ENNEMI DES FEMMES

lui permettait de se libérer envers Diogène, et ajoutait une riposte habile à la parade spirituelle qu’elle avait déjà faite.

Jaroslaw ne fut pas la dupe de son succès apparent, mais il le subit avec bonne grâce. La mièvrerie factice que son séjour à la ville avait ajoutée à la faiblesse de sa nature disparut en un jour, et la peur d’être faible, sans recourir aux façons mondaines de paraître fort, le contraignit à un héroïsme, à une franchise dont Diogène fut très surpris.

Il s’agissait, en effet, de reporter au philosophe l’argent qu’il avait avancé. Au premier abord, Diogène essaya de flatter le poète et de s’émerveiller de son succès. Mais la modestie froide de Jaroslaw le démonta.

— Comment, lui dit-il, vous vous arrêtez à votre premier triomphe ? Vous renoncez à une seconde édition ?

Jaroslaw avoua, avec la candeur d’un néophyte qui s’offre au bourreau, que l’ingénieuse sollicitude de madame Ossokhine avait remplacé, dans cette circonstance, la faveur du public.

Tous les exemplaires de son volume avaient été achetés, en effet, mais par une seule personne.

Diogène changea d’attaque.

— Vous le voyez ! je vous l’avais prédit, vous lui avez fait peur !

— Non, je lui ai fait pitié.

— Pitié ! et vous acceptez la pitié ? Vous pou-