Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
70
À KOLOMEA.

» Il était devenu pâle, ses dents claquaient.

« Je mets le feu à ma cabane, répondit-elle avec son mauvais sourire. Nous allons mourir tous deux dans les flammes. »

» Je voulus m’élancer dans la chambre ; je ne sais vraiment pas à quoi j’aurais servi, moi, pauvre et faible femme ! J’essayai d’ouvrir la porte. Elle était verrouillée, barricadée. J’appelai Éva Kwirinowa, je criai au secours ! Le grésillement des flammes seul me répondit, et la bise qui soufflait tristement dans la plaine remplissait la campagne d’une plainte aigre. Une angoisse indicible me saisit. Je ne parvins même pas à réciter une prière. Je m’éloignai en tremblant, et je m’enfuis, affolée, à travers la steppe. »

 

À ce moment, nous regardâmes tous dans la direction de la maison d’Éva Kwirinowa. L’incendie était éteint. La fumée serpentait mollement dans l’air, y entrelaçant ses brunes arabesques. La prairie était déserte. Nous étions seuls. Sur nos têtes étincelait la nuit de la steppe, cette nuit profonde, solennelle, avec son souffle embaumé et mystérieux, avec ses astres, rouges comme des aigrettes de braise.