Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
UN JOUR ET UNE NUIT DANS LA STEPPE.

de widma ? Ne m’as-tu pas donné un philtre amoureux ?

— C’est vrai, je le confesse.

— Que me veux-tu alors ?

— Je vous aimais. Je voulais vous voir dans mes bras, reprit Éva.

— Dans tes bras ! s’écria M. Dolgopolski. Tu voulais me voir à tes pieds, et tu y es arrivée. N’ai-je pas mendié tes faveurs comme un pauvre demande un pain ?

— Bon, bon ! s’écria-t-elle. Et alors… Je vous ai enivré de félicités, n’est-ce pas ? Lorsque mon mari… lorsque Akensy… j’ai…

— Quand ce fou s’est permis de me menacer !…

— Ne lui avais-je pas versé du poison ? n’en ai-je pas donné à mes enfants, — mes enfants ! — parce qu’ils vous ennuyaient ? demanda-t-elle, toujours calme, sans faire un geste.

— Ai-je exigé de toi un tel sacrifice, exécrable créature ? » hurla-t-il.

» Elle ne l’écouta pas et continua :

« Mais vous, vous avez fait un jour la connaissance d’une riche demoiselle. Elle était blanche ; elle avait des boucles blondes ; elle portait du velours, de la soie, de la zibeline. Et vous m’avez trahie, vous m’avez raillée, vous m’avez fait chasser par vos chiens ! De cette jeune fille vous avez fait votre femme ! Cela n’est-il pas ainsi ? Oui, je ne me trompe pas. Et maintenant, je vous tuerai, moi !

— Folle ! cria-t-il.

— Non, je ne suis pas folle, » répondit-elle.

» Elle se leva, apporta du foin et de la paille, et y mit le feu.

« Que fais-tu, » hasarda-t-il ?