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À KOLOMEA.

« À présent, tout est fini, soupira la jeune fille.

— Qu’est-ce qui est fini ? m’écriai-je ; allons, parle !

— Cela s’est passé aujourd’hui, dans l’après-midi, commença-t-elle. Le soleil allait se coucher, lorsque M. Dolgopolski s’arrêta par hasard devant notre maison. Il était à cheval. Il revenait de la chasse, je crois. Bref, il était horriblement las. Il arrêta son cheval et siffla. Je m’élançai dehors et saisis ses rênes. Mais elle… elle se tenait déjà là sur le seuil de la maison.

— Éva Kwirinowa ? demanda le cocher.

— Qui donc voulez-vous que ce soit ? reprit l’enfant. Et quand elle aperçut le noble seigneur, elle eut un mauvais sourire. Oh !… elle pouvait sourire, voyez-vous, à vous glacer le cœur dans la poitrine.

— Mon seigneur me fait-il vraiment la grâce de me rendre encore visite ? commença-t-elle d’une voix qui me fit frémir.

— Je ne viens pas te rendre visite, répondit M. Dolgopolski. Je me suis égaré, je suis brisé de fatigue. Il faut que je me repose un instant chez toi. » Il descendit de cheval, attacha sa bête à un poteau et entra avec Éva Kwirinowa dans la cabane. Elle marchait devant, il la suivait. Sur la porte, elle se retourna et me fit signe de rester dehors. Je demeurai donc près du cheval. Je rassemblai du fourrage que je lui donnai. Je lui cherchai aussi de l’eau, et il la but. À l’intérieur, je les entendis parler haut, d’une voix forte et irritée.

» Qu’ont-ils donc à se disputer ? me demandai-je.

» Mais je n’osai pas désobéir à ma maîtresse, je ne bougeai pas.

» Tout devint calme. Elle sortit et rentra à plusieurs reprises, marchant sur la pointe des pieds. Une fois, elle resta un instant devant la maison ; elle mit sa main sur