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À KOLOMEA.

blesse ; pour elles, perdre pied n’est pas un jeu. Cela nécessite de leur part un élan formidable. Quant à leur vol, il est lourd et difficile.

Il y a plusieurs manières de les prendre. L’outarde connaît le paysan, et ne s’en défie guère. Pendant qu’il laboure, sème ou moissonne, elle se dandine, sans rien perdre de sa gravité habituelle, devant lui, derrière lui, ou à ses côtés. Aussi, le chasseur endosse-t-il souvent des habits de paysan et se promène-t-il en flânant, la pipe à la bouche, jusqu’à ce que l’animal soit à sa portée. Il est très difficile de dérober les armes à sa vue. Elle distingue fort bien le chien d’une carabine de la lame d’une faux ou d’une faucille.

Le mieux est encore de s’étendre sur un char de campagne et de cacher son arme dans le foin, la paille ou le maïs qui le chargent.

Encore est-il de toute importance que l’attelage ne soit pas tiré par des chevaux. Il doit être traîné par des bœufs et cheminer aussi lentement que possible, pendant que le villageois qui le dirige marche à côté, son fouet à la main.

Ce fut ce procédé que je choisis. Je me levai avant l’aube. Lorsque, habillé en paysan et le fusil au bras, je franchis le seuil de ma porte, mon compagnon, l’agriculteur Jean Walko, m’attendait.

Il avait rempli de foin un petit char à échelles, parce que c’est dans le foin qu’on est le plus à son aise.

Deux grands bœufs blancs, aux cornes recourbées en forme de lyre, y étaient attelés. Je m’étendis voluptueusement dans le fourrage. L’équipage se mit en marche.

J’eus le temps de considérer à mon aise les sites qui m’environnaient.