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PINTSCHEW ET MINTSCHEW.

Pâques, époque à laquelle on doit sacrifier les prémices des moissons.

— C’est vrai.

— Mais, vois-tu, Pintschew, c’était bon lorsque nous habitions la terre sainte où la moisson commençait à Pâques et où les semences avaient besoin de pluie pendant l’hiver. Mais chez nous, où tout est couvert par la neige en hiver, c’est une bêtise aussi grande de prier pour demander la pluie que de s’abstenir de viande de porc. »

Maintenant Pintschew et Mintschew étaient presque jusqu’au cou dans le marais.

« Mintschew, je t’en conjure, ne blasphème pas ainsi sottement, gémit tout à coup Pintschew. Ne vois-tu pas que la main de Dieu s’appesantit sur nous pour nous punir ? Je crois que nous allons nous noyer. »

Il commença à appeler du secours à gorge déployée.

« Ma parole, je crois aussi que nous allons nous noyer, dit Mintschew après avoir fait quelques violents efforts pour se tirer de la boue qui les environnait. Mais, avant que nous nous noyions, admets au moins que c’est une absurdité de prier chez nous, en Pologne, pendant l’hiver, pour demander la pluie, tandis qu’en été, lorsque nous en aurions besoin, nous ne prions pas.

— Je n’admets aucun de tes raisonnements, répondit Pintschew.

— Tu le dois.

— Non.

— Alors, tu es un âne !

— Plût à Dieu que j’en fusse un ! soupira Pintschew ; je ne serais pas à cette heure dans un marais. Un âne vivant a plus de valeur qu’un sage mort.