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PINTSCHEW ET MINTSCHEW.

— Mais aujourd’hui il n’y a pas seulement 613 commandements, il y en a 14 000, s’écria Mintschew, et les rabbins les ont écrits pour les idiots qui les pratiquent.

— Ça, c’est autre chose. Ce sont les lois des rabbins, répliqua Pintschew, et non pas les lois mosaïques.

— Oui, dit Mintschew, mais Rabbi Abraham ben David reproche au rabbin Moïse ben Maïmon, qui le premier a rassemblé les 613 commandements, d’avoir dans leur nombre ajouté plusieurs ordonnances qui ne viennent pas de Moïse, mais ont été composées par les rabbins. Et il a raison ; à quoi bon tous ces commandements ?

— À quoi bon ? » hurla Pintschew.

Les flammes montaient de toutes parts et couronnaient le toit où ils se tenaient.

« Ils vont être engloutis ! cria de la rue une voix. Descendez, descendez donc ! » crièrent les spectateurs.

Les poutres cédaient en gémissant autour d’eux. Pintschew et Mintschew ne s’apercevaient de rien.

« Jadis, les hommes étaient pieux, vociféra Mintschew. Ils pouvaient, ainsi que l’affirme Rabbi Isaak Chabbib, ils pouvaient supporter le joug de beaucoup de commandements, mais plus tard ils se lassèrent de tant de formalités à remplir, et David fut obligé de réduire le nombre des lois à onze. »

Un cri déchirant rappela à eux les deux amis. C’était Rachel qui se tenait en bas, dans la rue, vêtue d’un mantelet où les taches de graisse rappelaient la palette d’un peintre, et coiffée d’un bonnet aussi haut qu’une tour. Rachel levait les bras au ciel en appelant à l’aide. Pintschew regarda autour de lui. Du toit surgissaient des milliers de langues de feu qui se tordaient, s’étendaient et les enceignaient de toutes parts. Deux hommes