Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
34
À KOLOMEA.

dans la ville et réduisit en cendres plus de cinquante maisons, Mintschew, accompagné d’une bande de juifs du voisinage, arriva avec une pompe à feu. Personne ne surpasse les juifs polonais en fait de bons sens et de courage lorsqu’il s’agit de lutter contre quelque élément déchaîné. Nul ne restait inoccupé. Les hommes, les femmes, les vieillards, les petits garçons se précipitaient dans les flammes, essayant de tout sauver.

Pintschew et Mintschew se rencontrèrent sur un toit couvert en bois, le premier tenant une hache, le second une barre de fer. Ils commencèrent à couper le bois enflammé.

« S’il plaît à Dieu, dit Pintschew, nous en viendrons à bout et nous accomplirons un des 613 commandements, celui qui défend de rester oisif pendant un grand péril.

— Qui t’a dit qu’il y a 613 commandements ? ricana Mintschew, sans, pour cela, cesser son travail.

— Qui me l’a dit ? répéta Pintschew d’un ton railleur, mais c’est le Talmud. Voici ce qu’il rapporte : « Rabbi Simlaï dit : 613 commandements furent remis à Moïse sur la montagne de Sinaï, savoir : 365 interdictions, une pour chaque jour de l’année, et 248 commandements, un nombre égal aux membres humains. » La preuve en est fournie par le mot Thora, dont les lettres, d’après le Zahlenlehre, signifient 613.

— C’est faux, repartit Mintschew, très calme.

— Quoi donc ?

— Les lettres du mot Thora ne signifient que 611.

— Sans doute, sans doute, tu as parfaitement raison, mais les deux premières lettres correspondent aux dix commandements que non pas Moïse, mais bien Dieu lui-même, a donnés aux Juifs.