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PINTSCHEWET MINTSCHEW.

remettre en route, il trouvait bien sa britschka devant l’auberge, mais ses chevaux avaient disparu. Alors, de colère, il aspirait si violemment sa longue pipe que, durant un moment, il disparaissait derrière un nuage de fumée.

« Sang de chien ! où donc est mon juif ? tonnait-il.

— Me voici, » criait Mintschew.

Et en effet, il arrivait en courant.

Comme il atteignait la voiture, il se retournait, et disait à voix basse à Pintschew :

« Il faut écouter, se taire et savoir souffrir.

— Où donc as-tu lu ça ? demandait Pintschew violemment. Je serais vraiment embarrassé de savoir où se trouve ce précepte !

— Tu ne sais pas, mon doux Pintschew ? mais je le sais, moi.

— Maudit babillard, vociférait le seigneur, mais attelle donc, pour l’amour de Dieu !

— J’attelle, » répondait Mintschew, qui courait chercher ses chevaux à l’écurie, et qui en effet se mettait à boucler leurs courroies au timon de la voiture.

Mais Pintschew le suivait en tapinois, tout en travaillant à la robe qu’il tenait et dont le jupon traînait par derrière dans des flaques de boue. Il tirait Mintschew par sa manche et murmurait à son oreille :

« Mais, Mintschew, où donc est-ce que cela se trouve ? — Quoi ?

— Qu’il faut écouter, se taire et savoir souffrir.

— C’est écrit Ier livre de Moïse, xxv, 14.

— Bizarre ! Je l’ignorais.

— Les trois fils d’Israël ne se nommaient-ils pas Mischnah, Dumiah et Massah ?

— Sûrement.