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PINTSCHEW ET MINTSCHEW.

cherche l’un de l’autre, ils se disputaient du matin au soir.

Mintschew devait-il conduire à Zabie le commissaire du district qui y allait pour affaire, Pintschew se rappelait immédiatement avoir promis, depuis un mois, à la baronne Horosenska, qui demeurait à quelques minutes de Zabie, une kasabaïka de velours vert. Il s’asseyait aussitôt alors et cousait tout le jour et toute la nuit, et vraiment, le lendemain de grand matin, lorsque Mintschew arrivait avec sa voiture, Pintschew était déjà établi sur un banc devant la maison du commissaire, bordant activement de fourrures la kasabaïka. Il montait sur le siège à côté de son ami, et la discussion commençait, tandis que Pintschew cousait des agrafes à son paletot ou y adaptait une manche.

D’un autre côté, si Pintschew avait une robe à essayer chez la comtesse Goluschowska, il venait à l’idée de Mintschew que c’était la foire de Delatin, petite ville peu éloignée de la seigneurie, et Mintschew partait pour Delatin sous le prétexte d’y conclure un marché, mais en réalité pour pouvoir accompagner Pintschew chez la comtesse et discuter chemin faisant quelque passage difficile du Talmud.

Durant ses voyages, il n’était pas rare que Mintschew eût à s’arrêter à l’auberge de Kauniz Blauweisz ; presque chaque jour il avait à y conduire quelqu’un, vu que ses clients goûtaient fort le sliwowitz du brave tavernier. Mintschew redoutait horriblement cette étape. Qu’il fût sobre, cela se comprend, car la vue seule d’un ivrogne donne le frisson à tout juif polonais et lui répugne autant qu’un animal obscène. De temps en temps, très-rarement, et encore fallait-il qu’il gelât bien dur, Mintschew avalait un petit verre de koutuschawka ; Mintschew