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À KOLOMEA.

mains, tandis qu’Anastasie lui nouait au cou une grosse corde, qui, au moindre mouvement, menaçait de l’étrangler.

Le tocsin remplissait l’air de sa voix sinistre. Le village entier se rassemblait devant la demeure des Korsuk, formant un grand cercle. Au milieu de la foule, Anastasie était debout, tenant le prêtre en laisse.

« Voyez donc ! Regardez notre malheureux curé, commença-t-elle. Il m’a obsédée de propositions criminelles. Pour le punir, le ciel l’a changé en ours ! »

La foule partit d’un immense éclat de rire, comprenant ce dont il s’agissait.

« À présent, j’exige que la grouada[1] prononce son jugement contre lui, et lui inflige un châtiment exemplaire, continua la paysanne. Ce n’est qu’à ce prix que son âme sera délivrée des peines éternelles.

— Anastasie, tu es une brave femme, repartit le doyen, un vieillard à cheveux blancs. Ordonne toi-même la punition qui est due à ce misérable.

— Eh bien ! je me promènerai à cheval sur son dos par tout le village, dit-elle après un instant de réflexion, et les femmes qu’il a séduites le fouetteront pour le faire courir. Puis nous le plongerons dans la vasque à l’eau bénite, et nous l’y laisserons jusqu’au matin. J’espère qu’alors Dieu aura pitié de lui, et lui rendra sa figure humaine.

— Bravo ! bravo ! crièrent cent voix simultanément. C’est une bonne idée. Mettons-la tout de suite à exécution. »

En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, le curé est jeté par terre. La jolie et robuste femme se hisse

  1. Communauté.