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LE ROI DE POLOGNE.

rino, et qui, à cette heure même, me cause de terribles embarras de respiration.

— Tiens, j’ai cru qu’il provenait d’un coup de pistolet reçu en duel.

— Cette affaire-là eut lieu beaucoup plus tard. Mais, à Solférino, quand j’étais major de la légion étrangère, je fus atteint d’un coup de crosse et laissé pour mort sur la place. Longtemps après, je crachais encore le sang. »

Il se leva, se mit à arpenter la salle, me regarda de côté et finit par s’arrêter court devant moi :

« Je ne sais pas, frère, d’où vient la confiance toute particulière que vous m’inspirez, commença-t-il en tiraillant sa moustache, ce sont évidemment les circonstances qui nous rapprochent. J’ai à vous adresser une prière, qui vous paraîtra sûrement une preuve de la haute opinion que j’ai de vous. Je ne ferais pas cet honneur à tout le monde ; donnez-moi votre main. »

Je la lui tendis.

« Bien, continua-t-il, et maintenant, répondez ; vous serait-il possible de sacrifier une petite somme pour venir en aide à un brave de mon espèce ? Ainsi, j’accepterais volontiers cent florins, que je vous renverrais aussitôt que j’aurais touché mes rentes. Mon intendant est un misérable coquin qui ne m’envoie pas un sou. Il me vole, sans s’occuper de savoir si je suis gêné où non.

— Je regrette…

— Mettons cinquante florins, — ou dix tout au moins.

— Je n’ai malheureusement emporté d’argent que pour faire le voyage strictement jusqu’à Zalechtchiki.

— Hum ! »

Il fit brusquement quelques grands pas, s’arrêta un instant devant la fenêtre, puis retourna à sa place.