Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/270

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
260
À KOLOMEA.

qui lui était facile, car il avait, sans contredit, la tête de plus que moi.

« On ne parle pas de ces choses-là avec le premier venu, mais vous m’inspirez de la confiance. »

Il regarda avec circonspection autour de nous, puis, se penchant vers moi :

« Nous faisons semblant de dormir, murmura-t-il avec des clignements d’yeux significatifs, mais je vous le prédis, avant peu vous apprendrez du nouveau. Et vous serez surpris, et le monde aussi le sera.

— Est-ce à dire que quelque révolution se prépare ?

— Oui, monsieur et cher ami, une importante révolution, la plus importante de toutes. Cette fois nous pouvons compter sur la France, et…

— C’est ce que les Polonais se sont imaginé toutes les fois.

— Mais quand je vous l’affirme, moi Macédon Wolinski, c’est que la chose est sûre. L’Angleterre nous fournit des armes, l’Autriche et la Prusse, que nous voulons ménager, gardent la neutralité, de telle sorte que nous pouvons tourner nos forces entières contre la Russie.

— Toujours les mêmes illusions !

— Un peu de patience, et vous verrez. Cette fois, l’affaire aura une issue tout autre que celle à laquelle vous vous attendez. Puis, ce qui encourage les patriotes, c’est de savoir tous les fils du complot réunis pour ainsi dire dans ma main. Le jour où on aura besoin d’un général, on saura où me trouver. Ce n’est pas pour rien que j’ai été à l’école des Pélissier, des Mac-Mahon, et que j’ai payé si consciencieusement mon apprentissage, notamment par ce damné coup de crosse reçu à Solfé-