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PINTSCHEW ET MINTSCHEW.

Mintschew s’en allait à grands pas.

« Écoute, lui cria Pintschew… tu sais bien… »

Mintschew s’éloignait.

Pintschew se mit à hurler et à courir bien fort pour le rattraper.

« Au ciel il y a douze… douze portes… destinées aux douze tribus d’Israël… et chacune de ces portes… Mais arrête-toi donc ! »

Il venait de rejoindre Mintschew.

« Ah ! je ne puis plus respirer… Chaque… porte… sert de passage aux prières d’une tribu. Depuis, on a composé de nouvelles prières et l’on n’a pas construit de nouvelles portes… Partant, ces requêtes ne peuvent arriver jusqu’à Dieu. Comprends-tu ? »

Ils reprirent, tout en causant, le chemin de la demeure de Mintschew. La jeune femme, cachée derrière son rideau, poussa un gros soupir. Mais Pintschew ne s’en inquiétait guère. Il se promena avec Mintschew toute la nuit, au milieu de la rue. Tantôt Pintschew accompagnait Mintschew ; tantôt c’était Mintschew qui reconduisait Pintschew, qui, lui, à son tour, se faisait une joie de retourner avec son ami. Ils discutèrent jusqu’au matin, et avec un tel zèle qu’ils s’enrouèrent horriblement. Les étoiles pâlirent l’une après l’autre ; quant à la jeune femme, elle resta assise près de la fenêtre, tendant l’oreille, jusqu’à ce que le vent du matin agitât doucement le rideau derrière lequel elle se tenait, et que l’orient se teignît peu à peu d’une lueur laiteuse.

« Et maintenant que tu m’as prouvé qu’on ne peut prier en chaldéen, es-tu plus avancé que tout à l’heure ? railla Mintschew.

— Ah ! maintenant tu reconnais que j’avais raison ? s’écria Pintschew fièrement.