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À KOLOMEA.

tard. Vous avez parfaitement raison. Je fus atteint d’une balle dans la jambe droite à Waitzen, où, comme vous le savez, la légion polonaise attaqua, sous Wysoçki, le pont du Danube, et où périt le général autrichien Goetz. Je le vis tomber de son cheval, puis on m’emporta.

— Était-ce la première bataille à laquelle vous assistiez ?

— J’ignore ce que vous entendez par le mot bataille, répliqua-t-il après avoir allumé sa pipe, dont la fumée l’enveloppa d’un nuage, comme Jupiter quand il séduisait la belle Io. Si vous vous en rapportez au nombre des combattants ou des morts, comme, par exemple, en 1846, à Glaw, où je me trouvai, il n’y avait en effet que mille huit cents insurgés polonais contre cinq milles soldats autrichiens renforcés des paysans de la Galicie. Mais si vous vous basez sur l’héroïsme et l’énergie qui ont signalé notre lutte, ainsi qu’au nombre de cadavres que nous laissâmes sur le terrain, c’était vraiment une bataille fort présentable. J’avais, à cette époque, vingt-six ans. Je me réfugiai en Prusse, puis je partis pour Paris, où je pris du service dans la légion étrangère. Je combattis à Alger contre les Bédouins, non pas, il est vrai, pour la liberté, mais pour la civilisation. Pélissier m’attacha de ses propres mains la croix de la Légion d’honneur sur la poitrine. En 1848, je rentrai dans mon pays ; je luttai, dans Vienne, contre les Croates, aux côtés de Bem ; je gagnai avec lui la Hongrie, où je fus nommé major de la légion polonaise. On me vit aux batailles de Kapolna, d’Haszteg, de Waizen, d’Ofen, d’Uri, de Preszbourg, de Raab, de Temesvar. De là, j’entrai avec Wyescki en Turquie ; j’y battis les Russes, primo à Silistrie, secundo à Sébastopol ; je reçus, à l’affaire d’In-