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À KOLOMEA.

— Allons donc ! »

Pintschew se boucha les oreilles.

« Les anges ne comprennent pas le chaldéen, cria-t-il, non, ils ne le comprennent pas !

— Je te dis, moi, qu’ils le comprennent.

— Non.

— Oui.

— Non.

— Oui.

— Non. »

À présent les deux amis se trouvaient de nouveau devant la maison de Markus Jolles, dans l’air suave chargé du parfum des framboises. Il n’y avait pas une âme sur la route. Les lumières de la maison étaient éteintes ; au rez-de-chaussée seulement éclatait une lueur rouge. Au ciel, les étoiles étincelaient dans l’obscurité, et derrière le rideau d’une fenêtre, au rez-de-chaussée, dans la lueur rouge, la jeune femme de Pintschew épiait la conversation des infatigables talmudistes, en retenant son haleine.

« Soit, continuait Mintschew, les anges ne comprennent pas le chaldéen.

— Certes, ils ne comprennent pas.

— Mais pourquoi, alors, demanda Mintschew avec son sourire tranquille, pourquoi les rabbins s’opposent-ils à ce que les prières soit prononcées en allemand, puisque nulle part il n’est dit que les anges ne comprennent pas la langue allemande ?

— Ah ! c’est… parce que… »

Pintschew se redressa anéanti.

« Bonne nuit, Pintschew ! »

Le rideau se froissa convulsivement.

« Attends donc… je veux… »