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ALDONA.

lectures, et avec plus de raison, je crois, qu’on ne le fait généralement sur leur mine, leurs vêtements ou leurs habitudes. Comme je me suis mis dans la tête de vous guérir, ma jolie malade, il est pour moi de toute nécessité d’éprouver de temps à autre l’effet de mes remèdes. Et c’est par l’examen de vos lectures que cela se pratique.

— Et je voudrais bien savoir, monsieur Manief, demanda sévèrement Aldona, se drapant dans sa froideur comme dans un manteau d’hermine, qui vous a donné le droit de me traiter comme un enfant ?

— Qui m’a donné le droit de vous dire la vérité lors même qu’elle vous est désagréable ? repartit Igar, sans quitter pour cela le ton badin avec lequel il lui parlait ; mais c’est la profonde sympathie que je ressens pour vous, pour votre sort ; c’est l’intérêt que vous m’inspirez pour être restée simple et pure malgré votre éducation mondaine ; et l’existence superficielle exempte de devoirs que vous avez menée. Ou me serais-je trompé, par hasard ? Dites-moi que le prestige attaché par la société à un grand nom suffit à votre bonheur ; dites-le, Aldona, et je me tairai.

— Vous savez bien, Igar, que j’ai horreur du grand monde et de ses fades plaisirs, répondit la jeune femme. S’il en était autrement, est-ce que je serais-ici ? Avouez cependant que la vie nous présente peu d’avantages réels et que ce n’est pas étonnant si nous n’en faisons pas grand cas.

— Ne vous plaignez pas de la vie. Chacun a la part qu’il en réclame, la part qu’il mérite, répliqua Igar ; remarquez que ce n’est pas ce que nous obtenons facilement, ce que nous possédons sans partage qui nous contente, mais bien plutôt les résultats nécessitant une lutte, des efforts, ou le désir de ce qui nous promet une salis-