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À KOLOMEA.

vais m’asseoir ici, dans ce coin, et jouer avec Néron, en attendant que vous ayez fini votre lecture. »

Néron était un gros chat noir, qui avait dormi jusque-là inaperçu, près du foyer tiède de la cheminée. Réveillé à ce moment par la voix bien connue d’Igar, il étira voluptueusement ses membres, et salua le nouveau venu d’un ronron amical.

« Ma lecture ? fit Aldona ; mais je… je ne lisais pas du tout. »

Igar sourit.

« Vous alléguez une excuse à laquelle je ne m’attendais pas, et qu’il ne me fût jamais venu à l’idée d’exiger, ajouta-t-il. Ça me prouve que mes leçons n’ont pas été complètement perdues. Vous dévorez toujours de mauvais livres, mais au moins vous en rougissez.

— Et qui vous le prouve ? demanda la jeune femme.

— La poche de votre kasabaïka, qui semble se glorifier plus que vous du roman dont vous venez d’interrompre la lecture, car elle se gonfle d’une manière toute particulière, en vérité. » Ce disant, Igar frappa légèrement du doigt sur le livre qu’Aldona lui cachait.

« Vous vous trompez, repartit-elle avec aigreur.

— Oh ! j’avoue que je ne suis pas infaillible, répliqua Igar ; mais s’il m’arrive d’affirmer une chose, c’est qu’elle est vraie. Montrez-moi ce livre. »

La jeune femme, irritée, lui tourna le dos. Il tira délicatement alors le volume de la poche de la kasabaïka, et l’ouvrit.

« Mademoiselle Giraud, ma femme ! Mais, Aldona, vous êtes incorrigible !

— Et vous, vous êtes… » Elle n’acheva pas.

« Excusez-moi, reprit-il après lui avoir rendu le roman ; mais je juge de préférence les hommes à leurs