Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ALDONA



Noël approchait. La fertile pleine de la Galicie orientale, ordinairement couverte de moissons dorées, disparaissait sous les plis d’un épais manteau de neige. Les villages, entourés de hauts remparts blancs, semblaient transformés en forteresses d’hiver, tandis que çà et là quelque manoir solitaire, ancienne résidence des voyvodes, dressait dans l’air ses pignons noircis et ses tourelles aiguës, frangées de brillantes aiguilles de glace.

Au bord de la grande route impériale qui coupe le pays à l’est, on voyait les huttes basses du bourg de Kamienez avec leurs toits de chaume déjetés par la bise, baignant dans la fumée qui s’y fraye passage en l’absence de cheminées. On arrivait à la seigneurie par une longue avenue bordée de peupliers qui, dépouillés de leurs feuilles, ressemblaient à une rangée de balais gigantesques sur lesquels s’abattait une nuée de corneilles. Des moineaux affamés sautillaient dans les buissons ou se pelotonnaient en piaillant sous les lucarnes des greniers. Quant au château, que ne protégeait ni mur ni haie, c’était un bâti-