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À KOLOMEA.

Quand, au lieu des préparatifs relatifs à une conférence, il trouva Téofila revêtue du plus séduisant des négligés, il s’assit, passablement décontenancé. Et lorsque, par un mouvement familier, elle l’attira sur le divan, à côté d’elle, il se recula instinctivement et se plaça tout au bord de son siège, en rougissant.

Pour commencer, Téofila l’entretint avec beaucoup d’intérêt de l’élection de son époux. Elle chercha à lui persuader qu’il ne restait à la race russe que cette alternative : une alliance avec la Pologne, ou la soumission au joug polonais.

Bientôt la jolie femme se lassa de la réserve de son compagnon.

« J’espère que tu ne t’es pas mis dans la tête de te faire élire, dit-elle ; quel profit en aurais-tu ? Après cela, mon mari sera envoyé en mission à l’étranger, pendant la saison d’automne. La vie te couronne donc de mille fleurs et t’enivre de son parfum le plus doux… »

Elle avait cessé de lui dire : monsieur, et le tutoyait, selon l’usage polonais.

Le pasteur rougit et passa vivement la main sur son front.

« L’amour donne plus de joie que l’ambition, dit enfin madame Téofila.

— C’est vrai, répondit Anielowicz, sans faire un mouvement. C’est pourquoi, je ne me présenterai pas, le jour de la diète. Je resterai auprès de ma femme.

— Tu l’aimes donc bien, ta femme ? reprit Téofila.

— Comment me serait-ce possible de ne pas la chérir ? une seule union nous est permise. De jeunes cœurs s’unissent facilement, parce qu’ils ne connaissent pas encore l’égoïsme. Aussi nos mariages sont-ils généralement très heureux ! »