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À KOLOMEA.

séduisant pasteur, dans le simple but, cela va sans dire, d’étudier le russe sous sa direction. Elle portait une jaquette cosaque, sans manches, et un bonnet russe, dont le gland d’or scintillait coquettement dans les nattes brunes de sa chevelure. Tout cela pour l’amour de la patrie ! tout pour l’élection de son « cher époux ».

Mais lui, l’ingrat, faisait, aussitôt qu’il voyait arriver Anielowicz, atteler ses chevaux et se rendait à Czernelica, sous prétexte de lui rendre visite. Tous les jours il avait le malheur de ne pas le rencontrer, et le bonheur de s’entretenir pendant une heure avec sa ravissante petite femme. Tous les jours aussi il assurait à Madame Téofila qu’il rendait visite à Anielowicz dans l’espoir de le gagner à leur cause commune.

Téofila témoignait à son mari un intérêt, un dévouement de plus en plus profonds. L’ingrat était obligé, avant le vote, de haranguer ses électeurs. Lorsqu’il signifia à sa femme, mû par un sentiment de méchanceté raffinée, qu’il n’avait absolument rien à leur dire, Téofila, toujours généreuse, trouva immédiatement un expédient. Elle s’assit devant son élégant secrétaire et rédigea un discours, un vrai bijou, qu’elle lui fit apprendre et réciter elle-même.

Ce fut alors qu’il poussa l’ingratitude jusqu’à la férocité.

Il se rendit à la ville, en revint avec une splendide parure de diamants, et eut l’infâme cruauté de la faire admirer à sa femme, en lui disant que c’était un cadeau qu’il destinait à la jolie petite femme du pasteur. Il fallait bien se montrer aimable avec elle, si on voulait gagner la voix d’Anielowicz, qui, réellement, était fort nécessaire !

Le même soir, lorsque Anielowicz rentra chez lui, il