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NOTRE DÉPUTÉ.

toire. Je vais, aujourd’hui même, te faire venir de Lemberg un alphabet, une grammaire et un dictionnaire. Tu t’habilleras en cosaque ; j’arborerai une casquette russe, et nous nous promènerons dans le pays en gratifiant chacun d’un zdorowbudte[1]. Avec cela, je te réponds du succès de ta candidature. »

M. Kamil se soumit. Il se présenta comme candidat, se mit à porter un pantalon de cosaque d’une aune de large, et alphabétisa courageusement avec le maître d’école. Mais son âme était ailleurs et il méditait de noirs desseins.

Tandis que Téofila, par son énergie à protéger la candidature de son « cher époux », excitait l’admiration du district entier, ce « cher époux » faisait tout ce qu’il pouvait, en cachette, pour s’aliéner la sympathie des électeurs. Secondé de son factotum, de son ami l’agriculteur et du tavernier juif, il ruinait l’influence du comité, l’influence de sa femme, et surtout sa propre influence.

Et, pendant que ses nobles voisins, réunis dans son château, ingurgitaient des tonnes de vin de Hongrie et buvaient à son élection, les paysans se gorgeaient, à ses frais, d’eau-de-vie dans la taverne, et portaient des toasts à la nomination du pasteur Anielowicz.

L’unique tentative que fit M. Kamil pour alléger sa conscience, ce fut de supplier M. Anielowicz de se prononcer en faveur des Polonais. Lorsque celui-ci eut formellement refusé d’accéder à sa prière, M. Kamil continua à répandre l’or à pleines mains et à acheter nombre de voix pour les Russes.

Maintenant Téofila recevait tous les jours la visite du

  1. Portez-vous bien (salut petit-russien).