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À KOLOMEA.

visiblement touché. Monsieur Anielowicz vaut mieux que moi. »

Alors éclata une violente querelle. Tous les arguments politiques, nationaux et personnels tombèrent dru comme grêle. Et pourtant, l’opinion des deux époux touchant M. Anielowicz ne différait guère. Tous deux étaient convaincus de sa supériorité ; aussi M. Kamil ne demandait qu’à l’envoyer à la Chambre, et madame Téofila qu’à le garder chez elle.

Tous les fameux projets politiques tombèrent dans l’eau.

M. Kamil ne comptait sur aucune faveur de la part de la petite bourgeoise, tant que son mari resterait au logis. De même, madame Téofila n’attendait aucune déclaration du jeune prêtre, aussi longtemps que Kamil serait dans la chambre voisine, occupé à jouer au mariage avec son ami l’agriculteur.

« Il est très désirable, concluait M. Kamil, après tous les arguments de son épouse, il est très désirable que M. Anielowicz soit nommé député. Et il le sera, ma chère, sois-en sûre. »

Madame Téofila affirmait le contraire. Vainement son mari essaya de lui prouver que les paysans russes ne choisiraient qu’un Russe pour les représenter.

« Ne sommes-nous pas d’origine russe ? objecta-t-elle. De même que nos aïeux sont devenus Polonais sous la domination polonaise, de même nous redevenons russes, maintenant que les Russes forment la majorité en Galicie. Oui, Kamil, et il est important que toi, le premier, tu rapprennes la langue de tes pères. »

M. Kamil se gratta la tête.

« Mais, dit-il, je n’en sais pas un mot…

— Eh ! qu’importe, repartit le comité, sûr de sa vic-