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NOTRE DÉPUTÉ.

mari un grand nombre de voix. Mais, en habile général, elle ne perdait pas de vue un instant les difficultés qu’elle pourrait rencontrer en présentant aux Russes dont le district était peuplé, un candidat polonais.

Elle venait justement de recevoir de Lemberg une lettre dans laquelle on lui conseillait de se rapprocher du comité russe, de l’endoctriner et de le gagner à sa cause. Ce qui facilitait sa tâche, c’est que le comité russe avait à sa tête un candidat bien inoffensif, le pasteur le plus âgé de la contrée, un vrai enfant.

Madame Téofila avait lu plusieurs fois dans les journaux le nom d’un prêtre du pays dont les essais littéraires produisaient, même parmi les Polonais, une vive sensation. Il s’appelait Anielowicz. Il était pasteur de Czernelica. On parlait beaucoup de l’influence qu’il exerçait sur les populations de la campagne.

Madame Téofila devait donc à tout prix gagner à sa cause un si excellent sujet.

Mais comment s’y prendre ?

Elle-même l’ignorait.

Enfin, elle décréta de ne former, comme Napoléon, son plan de bataille qu’en présence de l’ennemi.

À cet effet, M. Kamil, son époux, petit bonhomme pomponné, frisotté, et aussi pacifique qu’une colombe, fut chargé d’organiser une chasse au renard, à laquelle on devait inviter quelques voisins et M. Anielowicz, avec sa femme, bien entendu.

Imbue de tous les préjugés que nourrissent les Polonais à l’égard de la race russe en général et de ses prêtres en particulier, madame Téofila attendit le jeune couple avec une sensation pareille à celle qu’on éprouve à la perspective d’une nuée de sauterelles ou du choléra.