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SCÈNES DU GHETTO.

L’imagination même du bossu et borgne Krummholz commença à secouer ses ailes couvertes de la poussière des bouquins et criblées de taches d’encre.

« Je me permettrai d’insinuer, fit-il remarquer, que le mieux serait de chercher pour madame Perle un nom qui rappelle son origine écumeuse, sa parenté avec la déesse de la beauté et de l’amour… c’est pourquoi… il me semble que le nom de Wellenheim[1] qui signifie…

— Non, non, objecta le commissaire. Regardez, je vous en prie, ces joues veloutées… Mais, vraiment… ne comprenez-vous pas, Krummholz… que madame Perle ne peut pas se nommer autrement que… Rose… non, cela ne sonne pas bien… Rosengarten… j’ai trouvé… Rosenthal[2]. »

La jolie veuve sourit finement, et fut inscrite tout de suite dans le protocole sous le nom de madame Perle Rosenthal.

Lorsqu’elle eut quitté la chancellerie, et que le parfum qu’elle avait apporté fut étouffé par la fumée de la pipe de Krummholz, Absalom recommença d’une voix pleurarde :

« Je vous en supplie, monsieur le commissaire, ne me réduisez, pas au désespoir !

— Comment ! ce gueux n’a pas encore passé la porte, s’écria ce dernier. S’il ne veut pas s’appeler Knoblauch donnez-lui le nom de Ohrenblaeser[3], afin qu’une autre fois il nous corne moins les oreilles. Oui. Ohrenblaeser ! »

La porte s’ouvrit de nouveau, et Aburel, le tailleur, entra ; il s’approcha discrètement, mais avec le sentiment de son opulence, du commissaire et lui demanda à voix basse :

  1. Vague écumeuse.
  2. Vallée des roses.
  3. Flagorneur.