Page:Sacher-Masoch - A Kolomea - Contes juifs et petits russiens, 1879.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
218
À KOLOMEA.

« Voilà de plus pour votre peine, monsieur de Krummholz, voyons, soyez aimable, voyons, inscrivez-moi sous le nom de Sonnenglanz.

— Va te promener, s’écria le commissaire, rouge de colère. Entends-tu te moquer de nous ? Nous n’avons pas de temps à perdre avec toi. Si tu ne veux pas t’appeler Zuckerhut[1], appelle-toi Knoblauch[2], et laisse-nous tranquilles. »

Au même instant la porte s’ouvrit et donna passage à madame Perle, une jeune veuve, riche et belle, qui en entrant transforma l’atmosphère fétide et chargée de tabac de la chancellerie en une vapeur parfumée. Elle disparaissait littéralement sous un monceau de soie, de fourrures et de pierreries. Elie s’approcha du commissaire, qui s’était levé avec une galante précipitation, élargissait sa bouche d’un aimable sourire et lui présenta sa propre chaise.

« Je présume, commença-t-il, que vous venez dans l’intention d’obtenir de nous un bien joli nom ?

— En effet, je vous en serais infiniment reconnaissante, balbutia la belle juive, et du reste, je suis prête à donner ce qu’il faudra.

— Ici, je vous en prie, dit le chancelier. »

Madame Perle tira sa bourse, que sur un geste du commissaire, Krummholz serra dans un tiroir avec force courbettes. Les visages des employés s’épanouirent.

« Ah ! mais, commença le commissaire, comment cela nous serait-il possible, à nous simples mortels, de trouver un nom assez gracieux pour une si charmante femme ? Quand on aperçoit madame Perle on croit voir Vénus, la fée des ondes en personne. »

  1. Pain de sucre.
  2. Gousse d’ail.