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À KOLOMEA.

ville, mais encore qui éblouit tout Israël. Ils n’en trouvaient pas qui répondit à leur ambition.

Rachel, tout à coup, proposa timidement le nom de Gottwalt. Mais Absalom secoua sévèrement la tête.

« On ne doit pas prendre le nom de l’Éternel en vain, n’est-ce pas ? S’il s’appelait Gottwalt, cela ne ferait-il pas tomber son prochain en tentation ?

— Goldmann[1], s’écria Esther, voilà un joli nom, petit père.

— Nous nous appellerions Goldmann, objecta la mère Rachel, et nous sommes si pauvres que nous ne mangeons que rarement à notre faim. Les gens se moqueraient joliment de nous et avec raison. »

Après une longue pause, le visage d’Absalom s’éclaira d’un fin sourire.

« Que dirais-tu si nous nous nommions Lilienthal[2], ma bonne Rachel ?

— Mais, petit père, s’écria Jossel riant aux éclats, sens donc un peu quelle odeur on respire ici. Les gens diront de toi : Que ne se nomme-t-il Zwiebelthal[3] ? »

Ils cherchèrent jusqu’à l’heure de leur repas, ils cherchèrent durant le repas et après le repas. Ils ne trouvèrent pas de nom qui leur parût assez beau ni assez original. Enfin, Absalom se rendit à ses affaires, très déconcerté ; chemin faisant, tout en marchandant à quelque cuisinière une peau de lièvre, ou en ramassant sur la route quelque vieux fer à cheval, il continuait à être tourmenté par son désir de trouver un nom extraordinaire. Il venait de s’arrêter chez un paysan où il marchandait une demi-douzaine de vessies de porc, lors-

  1. Homme d’or.
  2. Vallée des lis.
  3. Vallée des oignons.