Le commissaire cligna de l’œil du côté du chancelier, et se mit à tailler une plume.
« Ah ! c’est que ce n’est pas facile, dit à son tour le chancelier Krummholz. Nous avons reçu une liste de noms, et voyez-vous, notre devoir est de suivre la liste. »
Il prit un cahier, l’ouvrit, y fourra son nez, et reprit :
« Vous recevrez le nom de Schoeps[1], monsieur Meilech.
— Schoeps, gémit le riche marchand, quel horrible nom ! Me voilà réduit à m’appeler Schoeps, maintenant. Malheur ! les gens montreront au doigt le riche Meilech, s’il ne peut recevoir un autre nom que celui de Schoeps. C’est un nom d’animal, cela, et pas un nom d’homme.
— Il y aurait peut-être quelque chose à faire, murmura le chancelier ; mais, pour cela, il faudrait manquer à la loi, puis, on serait forcé de revoir des masses d’écritures.
— Oh ! je suis décidé à donner ce que vous voudrez pour la peine, s’écria le riche juif.
— C’est bien, repartit le chancelier. Mais avant tout il faut nous payer ; puis, après, il faudra vous taire, monsieur Meilech, car cela pourrait me faire destituer, et vous, vous passeriez en police correctionnelle.
— Compris, monsieur Krummholz, compris, dit Meilech, croisant dévotement les mains sur son abdomen arrondi. Mais, dites-moi, que dois-je payer, pour avoir le droit d’adopter un nom extrêmement beau ?
— Si vous déposez à l’étude vingt ducats, vous êtes autorisé à vous choisir un nom vous-même. »
Meilech soupira, tira sa bourse, compta vingt ducats et murmura :
« Maintenant, choisissez-moi, je vous prie, le plus beau nom que porte votre liste. »
- ↑ Mouton.