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À KOLOMEA.

fortement les mains derrière le dos. Les paysannes l’entourent, poussent de grands cris, renversent sur la tête du pauvre diable son seau plein d’eau, et l’en coiffent comme d’un colbak.

Bientôt les moissonneurs se rapprochent ; les paysans s’avancent vers M. Lesnowicz ; et le tumulte s’apaise.

Iéwa, alors, prononce les vœux de prospérité : « Nous vous offrons cette couronne de blé. Que Dieu vous bénisse, vous et vos familles, et nous accorde une bonne saison et de favorables récoltes !

— Éternellement ! éternellement ! » répondent en chœur les assistants.

M. Lesnowicz remercie et donne aux villageois sa bénédiction pour leurs enfants et petits-enfants.

« Éternellement ! éternellement ! » répète la foule.

Iéwa porte la main à son diadème. Pour la dernière fois le coq crie d’une voix éclatante. Elle tend la guirlande à la baronne, qui lui passe au cou un collier de corail. La jeune dame, elle, distribue des présents aux filles d’honneur.

Les domestiques sortent et reviennent, traînant après eux des tables grossières. Ils les couvrent de gourdes d’eau-de-vie, de grands fromages, de kilbassy, de saucisses russes pareilles à de gigantesques couleuvres, de miches de pain, et d’écuelles remplies de viande de porc rôtie. M. Lesnowicz et sa femme invitent les paysans à prendre place.

Le jeune seigneur entre Iéwa et les filles d’honneur, le vieux Lesnowicz, qui s’est emparé d’un « frère et électeur » récalcitrant, se dirigent vers une des tables. Le chantre ne cesse de crier : « Ne vous gênez pas, mes braves gens, mangez à votre aise ! », et donne lui-même l’exemple en mordant à belles dents dans une saucisse monstre